Publié par SudOuest.com
Le 18 novembre 2009 (Désolé pour le retard,votre serviteur était parti assister au plus grand hold up de l'histoire du football français^^)(Photo I.Louvier - Sud Ouest)ROCK. Le festival rock angoumoisin s'éteint faute de garanties financières publiques. Un vrai gâchis
Le communiqué, signé par l'équipe de la Garden Nef Party, est tombé hier. Lyrique mais désabusé. « Sans amertume, mais avec un immense regret, l'équipe du festival a la peine de vous annoncer la mort d'une utopie, celle d'avoir imaginé la Garden Nef Party dans une conjoncture qui incite plus à la prudence qu'à l'aventure. » Cette fin soudaine s'est joué ces derniers jours. Au terme d'un ping-pong verbal de promesses entre les collectivités publiques et le festival. Explications...
En seulement trois ans d'existence réelle, la Garden Nef Party s'est installée dans le panorama des festivals européens qui comptent. Grâce à une équipe dirigeante bicéphale : Jean-Louis Ménanteau, le patron de la Nef, qui laboure le terrain local depuis plus de deux décennies, et son ami, Christophe Davy, le producteur indépendant le plus influent dans le petit monde du rock indépendant. Après le test Placebo de 2006, Muse, Iggy Pop et Franz Ferdinand ont créé tour à tour l'événement à Angoulême. Le retentissement médiatique suit. La jeunesse d'ici et d'ailleurs se pâme.
Le faux bond de la Région
Reste le financement. L'édition 2009 (18 000 spectateurs et une météo défavorable) est déficitaire de 80 000 ?. Croyant à la pertinence et à l'implantation du festival, Christophe Davy éponge le passif, comme il s'y était engagé... Jean-Louis Ménanteau dispose dès lors des données qui vont lui permettre de construire une architecture budgétaire viable : en 2009, la Garden Nef Party n'avait que 17 % de financements publics et un autofinancement hors norme, exemplaire, de 83 % sur un budget d'un million d'euros. Sachant que les collectivités ont demandé de séparer juridiquement la Nef et le festival, Jean-Louis Ménanteau tablait, pour les prochaines années, sur un budget de 1,4 million d'euros (avec création d'un poste au sein de la nouvelle association) et une dotation publique rehaussée à 30 % du budget. Soit 420 000 ? : 200 000 ? pour la Région, 200 000 ? pour la Ville et la Comaga, 20 000 ? pour le Département qui, après avoir déjà taillé dans le vif l'an passé, serait resté à la marge...
Dans un contexte de disette budgétaire, alors que l'affaire du FIBD annonce un retrait du financement public des festivals, l'affaire semblait délicate. Mais jouable... Dès 2009, la région Poitou-Charentes fait savoir à Jean-Louis Ménanteau son désir de soutenir plus activement le festival.
Pionnière des « éco-manifestations » en région, la Garden Nef Party, pertinente, élégante et ambitieuse colle aux désirs de l'exécutif régional. Une région qui a décidé de faire des musiques actuelles une « priorité régionale culturelle pour les trois prochaines années »... Finalement, les avances de la Région en restent au stade des promesses : la semaine dernière, elle fait savoir aux organisateurs qu'elle maintient sa subvention à 50 000 ?, loin des 200 000 ? demandés. Une décision qui en dit long sur la place réellement accordée aux musiques actuelles par une région sans stratégie.
De son côté, Gérard Desaphy a tenté d'éteindre l'incendie en jouant les médiateurs. En vain... Et, hier, l'adjoint à la culture de Philippe Lavaud s'abritait derrière des impératifs calendaires. « Prendre une décision dans le délai imparti par Jean-Louis Ménanteau, c'était injouable », estimait-il en mettant en avant la réunion des financeurs publics des festivals, programmée le 4 décembre. Cela dit, selon toute vraisemblance, les collectivités auraient proposé au maximum la reconduction des subventions de 2009. Insuffisant pour que la Garden Nef survive.
« On était prêt à lancer la structure juridique de la Garden Nef, nous avions donné nos bilans aux collectivités dans les temps », expliquait hier Jean-Louis Ménanteau. « Si on avait attendu une réponse des collectivités, au mieux le 4 décembre, on n'aurait pas pu garantir une programmation suffisante pour tenir les engagements pris en terme de billeterie. »
Portishead et les autres
L'équipe de la Garden Nef Party avait d'ailleurs plusieurs fers au feu. Dans sa « short-list », Arctic Monkeys, Elvis Costello, Portishead (en exclusivité !), la reformation de Pavement et même une collaboration inédite entre Serge Teyssot-Gay, le guitariste de Noir Désir, et l'artiste Feromil. Le festival était également prêt à frapper un gros coup avec... une proposition ferme des Who ou un intérêt réel des Red Hot Chili Peppers, dont le manager s'occupe également du groupe Gossip, vu l'an passé à la Ferme des Valettes.
Des partenaires privés, comme le Crédit mutuel, avaient fait savoir qu'ils étaient prêts à aller plus loin. Les mains liées par l'incertitude, le festival a donc préféré se saborder plutôt que de voir trop de noms alléchants lui passer sous le nez. « À l'image des héros du rock, Brian, Jimmy, John, Janis, Jim, Kurt ou Jeff, le festival part en pleine jeunesse, c'est toujours mieux qu'une lente agonie », précisait le communiqué de la Garden Nef Party. Déprimant pour tout une jeunesse qui exprimait, hier, son désarroi et sa frustration sur Internet (un groupe « Rendez-nous la Garden Nef party » s'est créé sur Facebook). Des bénévoles et festivaliers « indignés et en colère » ont également appelé à manifester leur soutien au festival samedi à 10 heures devant l'hôtel de ville d'Angoulême...
Auteur : bertrand ruiz